Pour l’an 1 du second quinquennat du Président Patrice TALON, on peut retenir que des efforts considérables sont faits non seulement pour l’amélioration des conditions carcérales au Bénin mais également pour le bon fonctionnement des différentes Institutions de la République.
Retrouvez l'essentiel dans la transcription du numéro 21 de l'émission "LE GOUVERNEMENT EN ACTION" avec comme invité, Monsieur Sévérin Maxime QUENUM, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et de la Législation.
JOURNALISTE : Monsieur le ministre, quand on parle de la Cour spéciale des affaires foncières, de quoi s’agit-il ?
Monsieur Sévérin Maxime QUENUM : C’est une réforme qui sera, au titre du 2ème quinquennat, l’une des réformes phares au niveau du secteur de la justice, voulue personnellement par le Président de la République à l’image de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET).
Voyez-vous, la question de la propriété de la terre et de tous les contentieux qui s’articulent autour, est devenue si préoccupante que le Président de la République a pensé qu’il était temps de mettre en place cette cour. Comme vous le savez, il s’est développé dans les contrées d’Abomey-Calavi, Cotonou, un peu à Sèmè-Podji et peut-être même plus loin à Tori, Allada et à Ouidah, une mafia foncière et qui, je dois le dire, est à la manœuvre pour la reddition d’un certain nombre de décisions. Autrefois, ils opéraient dans le secteur privé contre les particuliers. C’est devenu tentaculaire et ça a gagné la sphère publique et la sphère de l’Etat. Aujourd’hui, ce sont les biens de l’Etat qui font l’objet des actions de ces prédateurs. Le Président Talon a donc pensé qu’il faut créer cette juridiction qui sera spécialisée dans le règlement du contentieux ou des contentieux en matière foncière. Nous avons pensé créer cette juridiction dans le ressort de la Cour d’appel de Cotonou et qui couvre les communes du Grand Nokoué (Porto-Novo, Calavi, Sèmè Podji, Cotonou et Ouidah) et pourquoi pas Allada qui se trouve être la nouvelle zone de prédilection où il y aura également le développement d’une grande activité économique.
Il s’agit donc de sécuriser la propriété foncière et aussi de rassurer les investisseurs étrangers. La création de cette cour est une opération à double détente : sécuriser les transactions foncières et la propriété foncière et ensuite éradiquer la mafia foncière de la même manière que nous nous attaqués à la criminalité économique.
JOURNALISTE : Cette cour sera-t-elle compétente pour trancher les litiges au plan pénal ?
Monsieur Sévérin Maxime QUENUM : Non. Il faut clarifier. Cette juridiction n’aura pas une compétence au plan pénal. Les infractions qui auront été constatées ou qui se rapporteront à la mafia foncière, telles que connues par cette juridiction, relèveront désormais de la CRIET tout comme nous avons pu mettre une partie des infractions à raison du sexe et autres sous la compétence de la CRIET.
JOURNALISTE : La CRIET est justement en pleine croissance eu égard aux affaires débattues et tranchées. Après 05 ans d’existence, quel bilan peut-on faire ?
Monsieur Sévérin Maxime QUENUM : Nous faisons le point pratiquement au quotidien. Nous notons simplement des avancées et jusque là, nous pouvons dire que les fruits ont tenu la promesse des fleurs. Nous avions sélectionné des juges qui nous offrent à la fois compétence et intégrité morale pour régler ces affaires de délits économiques.
Les statistiques montrent, aujourd’hui, que la tendance a été renversée pour ce qui concerne la délinquance financière. Heureusement que cette cour spéciale a été créée car nous voyons, sous nos yeux, le développement du terrorisme et nous avions anticipé pour que cette juridiction puisse en assurer la répression. Aujourd’hui, c’est cette juridiction qui s’occupe des dossiers de cette bande de terroristes et qui, malheureusement, s’attaquent aux forces de l’ordre.
JOURNALISTE : Que pensez-vous de ceux qui estiment que la CRIET est faite pour les opposants politiques ?
Monsieur Sévérin Maxime QUENUM : Je voudrais d’entrée de jeu dire qu’au Bénin, il n’y a pas de détenus politiques d’autant que le fait de poursuivre ou d’interpeller, d’incarcérer et de juger une personnalité politique, ne fait pas de cette dernière, un détenu politique.
Nul n’est au-dessus de la loi dans notre pays. Si vous êtes un homme politique ou un homme d’affaires et que vous commettez des infractions économiques, vous serez poursuivi et jugé suivant la loi. Pour moi, et cela doit clair pour tous, les personnalités qui commettent des infractions pour la plupart très graves, sont réprimées et elles ne sont donc pas des détenus politiques.
JOURNALISTE : La Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples a également pointé du doigt cette cour spéciale. Quelles sont aujourd’hui vos relations avec cette Cour ?
Monsieur Sévérin Maxime QUENUM : La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples s’est fourvoyée à maints égards. Aujourd’hui, elle est revenue de ses certitudes. A preuve, elle a rendu des décisions favorables en suivant l’argumentation de l’Etat béninois.
S’agissant des relations avec cette Institution, le Bénin est toujours membre de la Cour africaine sauf que les particuliers, de leur propre élan, ne peuvent plus la saisir.
Je dois dire que la CRIET n’a pas été décriée. Elle a fait ses preuves et est, aujourd’hui, l’une des juridictions pénales les plus performantes et qui est au-dessus de tout soupçon notamment en ce qui concerne la corruption que je m’échine à combattre tous les jours notamment dans le rang des magistrats. La plupart des avocats qui avaient critiqué cette juridiction, sont les premiers à la saisir à l’heure actuelle. La CRIET subit des réformes et elle comporte désormais un double degré de juridiction pour permettre aux justiciables d’exercer le recours.
JOURNALISTE : Que dites-vous des dernières libérations de détenus suite à la rencontre entre le Chef de l’Etat et les anciens Présidents de la République ?
Monsieur Sévérin Maxime QUENUM : Je pense que c’est une pure coïncidence au regard de l’agenda ou au regard du calendrier. La justice a son tempo et va à son rythme pour l’examen des dossiers. Ceux qui sont détenus, sont pressés d’être jugés prioritairement. Mon rôle en tant que Garde des sceaux, c’est d’instruire le parquet afin qu’il veille à ce qu’il n’y ait pas de lenteur dans le traitement des dossiers. Les magistrats ne sont pas suffisants à la CRIET. Il y a un déficit d’effectifs que nous essayons de combler au fur et à mesure dès que le besoin se fait sentir.
Les personnes libérées ont bénéficié de la libération provisoire d’autant plus que le procès n’a pas encore eu lieu. Cela est justifié parce que leur détention n’était plus nécessaire à la manifestation de la vérité. Nous sommes à la veille des vacances judiciaires et j’espère que les juges feront en sorte pour vider le maximum de dossiers.
C’est une bonne nouvelle dans un contexte de décrispation de la tension politique au Bénin. J’en suis personnellement heureux et le Président de la République est un homme de paix et s’il est possible de faire quelque chose dans ce sens, il le ferait. Je souhaite que les incidents malheureux qui subviennent lors des échéances électorales ne se répètent plus. Nous devons faire de sorte à avoir des acteurs politiques qui sont de bons citoyens, qui font preuve de civisme et doivent savoir qu’une Nation en construction, comme la nôtre, a besoin d’un climat social apaisé et non des tensions permanentes.
JOURNALISTE : S’agissant des détenus Joël AÏVO et Réckya MADOUGOU, est-ce que des informations vous parviennent dans le sens d’une grâce présidentielle ?
Monsieur Sévérin Maxime QUENUM : Je dois souligner que la grâce présidentielle est une prérogative personnelle du Chef de l’Etat sauf qu’il l’exerce avec le Conseil supérieur de la magistrature. On ne doit pas particulariser le débat.
L’année dernière, et conformément aux usages, le Président de la République l’a fait par deux fois. Nous sommes dans une année hautement sociale annoncée par le Président de la République et il est le seul qui puisse en décider au moment opportun avec le Conseil supérieur de la magistrature.
JOURNALISTE : Le Bénin siège au Conseil des droits de l’homme à Genève. Qu’en dites-vous ?
Monsieur Sévérin Maxime QUENUM : Le Bénin a été élu, l’année dernière, avec un score très honorable pour siéger au Conseil des droits de l’homme à Genève. Aujourd’hui, la propagande faite contre notre pays est en train de s’amenuiser. Nous sommes dans une démocratie jeune. Nous avions mis en place la Commission nationale des droits de l’homme et avec la mise en œuvre des recommandations faites, on a pu passer du statut C au statut A. Ce ne sont pas des faveurs et il faut reconnaitre que des efforts ont été faits.
JOURNALISTE : Qu’est-ce qui est fait dans le secteur pénitentiaire par rapport au PAG 2 ?
Monsieur Sévérin Maxime QUENUM : Une réforme nécessite des études préalables. Ce qui a été fait avec le Pag 1. Nous entendons les implémenter pour asseoir un nouveau système pénitentiaire au Bénin à travers trois axes : professionnaliser toutes les interventions intellectuelles au niveau des prisons ; mettre en place un régime en vue d’une meilleure protection des détenus et enfin, mettre aux normes certaines prisons et construire d’autres prisons pour lutter contre la surpopulation carcérale et envisager la réinsertion sociale. Nous y travaillons avec l’Agence du patrimoine immobilier de la justice.
JOURNALISTE : Qu’en est-il de la réinsertion sociale des détenus ?
Monsieur Sévérin Maxime QUENUM : La prison ne doit pas constituer une fin en soi. Nous avons tourné définitivement dos à la peine de mort. Il y a beaucoup d’ONG nationales et internationales qui travaillent avec nous dans ce sens. A la prison de Lokossa, l’artisanat est fortement développé. Les prisonniers font l’élevage, la coiffure, le maraichage et on est sûr que ces gens là, lorsqu’ils sortiront, ils vont rentrer directement dans la vie active et être des agents économiques.
JOURNALISTE : Qu’est-ce qui sous-tend la réforme liée au régime juridique de la chefferie traditionnelle ?
Monsieur Sévérin Maxime QUENUM : C’est une volonté du Chef de l’Etat de parvenir à donner un statut juridique à la chefferie traditionnelle. En effet, la Constitution reconnaît la chefferie traditionnelle et le Chef de l’Etat a pris sur lui de faire aboutir la réforme subséquente. C’est pourquoi, il a installé un Comité auquel il a fixé des objectifs très clairs. Il sera donc question pour ce comité composé des juristes et autres de proposer un avant-projet de loi que le gouvernement va examiner plus tard. Il s‘agit de préserver les us et coutumes ainsi que le patrimoine immatériel de notre pays notamment en ce qu’il a de bon pour sauvegarder notre identité culturelle. Il s’agit également de faire en sorte que la chefferie traditionnelle reste un instrument de cohésion, d’unité nationale et surtout de clarifier les règles en matière d’évolution sociale. Nous avions les ressources et nous sommes certains de mettre fin à la pagaille dans ce secteur. L’objectif n’est pas de tenir les chefs traditionnels loin de la politique. Evidemment, la chefferie traditionnelle ne doit pas se mêler de la politique. Il sera clairement dit que le champ politique ne doit par concerner la chefferie traditionnelle.
JOURNALISTE : Le rattachement de la Police judiciaire au ministère de la justice. Que peut-on comprendre par cette réforme ?
Monsieur Sévérin Maxime QUENUM : C’est prévu par le Pag 2. En effet, l’activité de la police judiciaire se déroule normalement sous le contrôle des parquets. Et pour bien apprécier les constatations, les interprétations des infractions et les procès verbaux qui sont des instruments importants pour les juridictions pénales, il faut que les personnes qui s’en occupent, soient sous l’autorité d’une seule entité qui assure effectivement de façon transversale le suivi de leurs activités.
JOURNALISTE : Que dites-vous des réformes institutionnelles ?
Monsieur Sévérin Maxime QUENUM : Les réformes institutionnelles en cours au titre du Pag 1 sont achevées, notamment en ce qui concerne la Cour constitutionnelle dont la loi organique a été revisitée et la mise en place d’un greffe. Idem à la Cour suprême où la loi organique a été revue et des règles de procédures élaborées. A la Cour des comptes, il y a eu comme actions menées, le statut particulier des magistrats et autres. Au niveau de la Haute cour de justice, des réformes sont également prévues et seront connues dans les mois à venir. Les travaux évoluent très bien en commission.
JOURNALISTE : Monsieur le ministre, un mot de fin
Monsieur Sévérin Maxime QUENUM : Je voudrais souhaiter une bonne compréhension des actions du gouvernement par les populations et leur demander d’avoir la patience. Tout s’est soldé par un franc succès au titre du Pag 1. Dans le secteur de la justice, le même engagement se poursuit pour une justice intègre, moderne et efficace. J’invite tous les Béninois à croire au régime de la rupture pour le développement durable au Bénin.